Article consultable sur le blog "Saveurs d'en France" de Périco LEGASSE - Journaliste à Marianne
Ce que pensent de grands chefs de la cuisine moléculaire
Olivier Roellinger, la star de Cancale, qui a jeté l’an dernier ses trois étoiles Michelin dans la baie du Mont-Saint-Michel pour ne plus être esclave d’un système où la cuisine de cuisinier n’a plus sa place : « Cette forme d’imposture ne m’intéresse pas. La cuisine moléculaire, c’est un leurre pour des gens qui n’ont pas beaucoup de connaissances au départ. C’est vraiment vendre du vent. Et qui finance ce lobbying ? Le syndicat des arômes industriels. Il s’agit en réalité de faire entrer des produits de synthèse par la grande porte dans les grandes cuisines d’Europe. C’est absolument abominable ».
Ce que pensent de grands chefs de la cuisine moléculaire
Olivier Roellinger, la star de Cancale, qui a jeté l’an dernier ses trois étoiles Michelin dans la baie du Mont-Saint-Michel pour ne plus être esclave d’un système où la cuisine de cuisinier n’a plus sa place : « Cette forme d’imposture ne m’intéresse pas. La cuisine moléculaire, c’est un leurre pour des gens qui n’ont pas beaucoup de connaissances au départ. C’est vraiment vendre du vent. Et qui finance ce lobbying ? Le syndicat des arômes industriels. Il s’agit en réalité de faire entrer des produits de synthèse par la grande porte dans les grandes cuisines d’Europe. C’est absolument abominable ».
Joël Robuchon, pourtant admirateur de Ferran Adria, va plus loin : « Les additifs, ce n’est pas bon. J’ai tout fait pour les supprimer chez Fleury-Michon. On trouve aujourd’hui dans la cuisine moléculaire des additifs qui sont pourtant interdits dans l’agroalimentaire ». Il ajoute : « Je suis à 200% contre la cuisine moléculaire, pour la bonne raison que je travaille avec les services de santé et des industriels que l’on encourage à éliminer acidifiants, colorants, édulcorants, dont certains ont des effets secondaires ».
Aujourd’hui retiré, Freddy Girardet, l’un des grands noms de la haute cuisine, dit « qu’il faut arrêter avec les goûts brouillés et sucrés des plats d’avant garde, qui sont une succession d’amuse bouche où rien n’est identifiable, ni la texture, ni la fraîcheur, ni la saveur originelle du produit ». Le débat va-t-il enfin avoir lieu ?
Ma dernière expérience chez Ferran Adria
Ravioli d’anémone de mer à la cervelle de lapin
La dernière expérience vécue par l’auteur de ces lignes au restaurant El Bulli remonte à juillet 2008. Un dîner organisé par une célèbre maison de Champagne, en présence de plusieurs personnalités de l’univers de la table, dont Rafael Anson, ancien haut fonctionnaire franquiste, directeur de la Télévision publique espagnole durant la transition démocratique de 1977 et actuel président de l’Académie de gastronomie.
Le repas était composé de 38 plats, en réalité une suite d’amuse-bouches servis dans de grosses cuillères ou des ramequins. Pour honorer la table, Ferran Adria avait préparé une sélection de mollusques pêchés à Cala Montjoi, la petite hanse en surplomb de laquelle se dresse son restaurant.
Des espèces rares, que l’on demande en général aux enfants de ne pas toucher. Parmi les mets les plus insolites, une gélatine de méduse aux câpres, des raviolis d’anémone de mer à la cervelle de lapin, un flan d’olothuries (limace, dite concombre de mer) aux œufs de merlu et des tagliatelles de laitue de mer à l’infusion de salicorne.
Des 38 préparations, seul huit ne purent, malgré toute sa bonne volonté, être avalées par votre serviteur; quatre laissèrent un souvenir délicieux et les 26 autres n’inspirèrent ni dégoût, ni passion, ce qui ne fut pas le cas de certains convives, en extase absolue, notamment Rafael Anson, flatté par cette forme de suprématie de la cuisine espagnole.
Le plus frustrant, à El Bulli, c’est de n’avoir jamais à se servir de ses dents, car tout s’y lèche, s’y suce ou s’y aspire. On déglutit les maxillaires en berne. Le plus triste concerne les vins. De prestigieux flacons de champagne furent servis ce soir-là. Pour rien.
Le contenu de l’assiette agressant, voire annihilant, celui du verre, puisque l’accord avec les vins n’intéresse pas Ferran Adria, on ne voit pas l’utilité d’une cave aussi somptueuse. Aussi, les sommeliers de ce laboratoire gustatif de luxe font-ils penser à des marchands de tableaux dans un centre de non voyants. Et pourtant, ça tourne. Les suceurs de gelée pourront-ils vivre sans ?
Recette moléculaire
« Croquettes sphériques inverses de jambon »
Voici un exemple de plats signés Ferran Adria. Ingrédients : 1000g d’eau, 250g de base de croquette sans farine, 5g de E400 (alginate), 6g de E578 (gluconate de calcium), 6g de E 327 (lactate de calcium), 0,8g de E 415 (xanthane).
La formule de préparation est disponible sur le site de Texturas, société filiale des frères Adria qui commercialise une gamme complète de produits chimiques gélifiants, sphérisants, émulsifiants ou épaississants. Chacun d’eux est destiné à la réalisation d’une recette présentée en vidéo sur le site. Une approche particulière de ce que l’on a franchement du mal à appeler cuisine.
Une fois que les dégâts sur la profession culinaire et le patrimoine alimentaire auront été inventoriés, une lourde responsabilité pèsera, non sur l’école moléculaire, qui a parfaitement le droit d’exister, mais sur le guide Michelin, qui fait croire à la terre entière, par ses étoiles de prestige, que cette mascarade relève du restaurant gastronomique.
Ravioli d’anémone de mer à la cervelle de lapin
La dernière expérience vécue par l’auteur de ces lignes au restaurant El Bulli remonte à juillet 2008. Un dîner organisé par une célèbre maison de Champagne, en présence de plusieurs personnalités de l’univers de la table, dont Rafael Anson, ancien haut fonctionnaire franquiste, directeur de la Télévision publique espagnole durant la transition démocratique de 1977 et actuel président de l’Académie de gastronomie.
Le repas était composé de 38 plats, en réalité une suite d’amuse-bouches servis dans de grosses cuillères ou des ramequins. Pour honorer la table, Ferran Adria avait préparé une sélection de mollusques pêchés à Cala Montjoi, la petite hanse en surplomb de laquelle se dresse son restaurant.
Des espèces rares, que l’on demande en général aux enfants de ne pas toucher. Parmi les mets les plus insolites, une gélatine de méduse aux câpres, des raviolis d’anémone de mer à la cervelle de lapin, un flan d’olothuries (limace, dite concombre de mer) aux œufs de merlu et des tagliatelles de laitue de mer à l’infusion de salicorne.
Des 38 préparations, seul huit ne purent, malgré toute sa bonne volonté, être avalées par votre serviteur; quatre laissèrent un souvenir délicieux et les 26 autres n’inspirèrent ni dégoût, ni passion, ce qui ne fut pas le cas de certains convives, en extase absolue, notamment Rafael Anson, flatté par cette forme de suprématie de la cuisine espagnole.
Le plus frustrant, à El Bulli, c’est de n’avoir jamais à se servir de ses dents, car tout s’y lèche, s’y suce ou s’y aspire. On déglutit les maxillaires en berne. Le plus triste concerne les vins. De prestigieux flacons de champagne furent servis ce soir-là. Pour rien.
Le contenu de l’assiette agressant, voire annihilant, celui du verre, puisque l’accord avec les vins n’intéresse pas Ferran Adria, on ne voit pas l’utilité d’une cave aussi somptueuse. Aussi, les sommeliers de ce laboratoire gustatif de luxe font-ils penser à des marchands de tableaux dans un centre de non voyants. Et pourtant, ça tourne. Les suceurs de gelée pourront-ils vivre sans ?
Recette moléculaire
« Croquettes sphériques inverses de jambon »
Voici un exemple de plats signés Ferran Adria. Ingrédients : 1000g d’eau, 250g de base de croquette sans farine, 5g de E400 (alginate), 6g de E578 (gluconate de calcium), 6g de E 327 (lactate de calcium), 0,8g de E 415 (xanthane).
La formule de préparation est disponible sur le site de Texturas, société filiale des frères Adria qui commercialise une gamme complète de produits chimiques gélifiants, sphérisants, émulsifiants ou épaississants. Chacun d’eux est destiné à la réalisation d’une recette présentée en vidéo sur le site. Une approche particulière de ce que l’on a franchement du mal à appeler cuisine.
Une fois que les dégâts sur la profession culinaire et le patrimoine alimentaire auront été inventoriés, une lourde responsabilité pèsera, non sur l’école moléculaire, qui a parfaitement le droit d’exister, mais sur le guide Michelin, qui fait croire à la terre entière, par ses étoiles de prestige, que cette mascarade relève du restaurant gastronomique.
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